Ce qui nous préoccupe

L’absence de prise en compte du secteur de l’observation au Québec et la rareté des aires protégées posent de sérieuses entraves à l’épanouissement humain et à la protection des animaux de la faune.
Famille de renards

Famille de renards
📸 © Luc Farrell

Renarde et ses renardeaux
© Luc Farrell

Une activité sous-estimée et négligée

1

En septembre 2023, le gouvernement du Québec a publié un rapport sur les retombées économiques des activités liées à la faune. Pour la première fois depuis 2006, des données sur l’observation faunique (OF) en font partie. Selon ce rapport, 2 326 000 personnes ont pratiqué des activités d’OF, générant des retombées de 400 000 000 $ et créant 5 000 emplois. Ces chiffres sont impressionnants, d’autant plus que les observations effectuées aux mangeoires d’oiseaux privées ne sont pas prises en compte.

À la lumière de ce rapport, il est étonnant de constater à quel point l’observation de la faune demeure négligée par l’État, en dépit de l’intérêt croissant qu’elle suscite. Malgré l’importance de ses retombées socio-économiques, divulguées par le gouvernement lui-même, celui-ci continue de favoriser exclusivement les activités de chasse, de pêche et de piégeage. L’AQPOF est convaincue qu’une promotion accrue, une offre de services adéquate et un meilleur encadrement de l’OF propulseraient rapidement ses retombées au Québec, bien au-delà de celles de la chasse et du piégeage combinés.

D’autres réalités freinent le rayonnement de l’OF. Attendu que les es activités d’observation sont souvent incompatibles avec la chasse et le piégeage. L’AQPOF souligne que les adeptes de l’observation peuvent difficilement pratiquer leur loisir sur un territoire où la faune est chassée et piégée. Les raisons sont multiples:

Les animaux de la faune se font plus rares. Ils sont habituellement plus stressés et craintifs, ce qui nuit à l’expérience d’observation

Pour les adeptes de l’observation, il y a d’importants risques de conflits et d’accidents associés à la fréquentation d’un territoire en temps de chasse. Dès le début du mois de septembre, l’accès aux réserves fauniques est interdit aux visites, aux randonnées et à l’observation sur la quasi-totalité de leur territoire
Pour les personnes qui ont eu la chance d’observer un être animal libre, de le connaître et de s’y attacher, les risques sont bien réels de le retrouver mort, ou agonisant dans un piège
Autre problème : les rares espaces exempts de chasse et de piégeage, comme les parcs nationaux, ne répondent plus aux attentes des observateurs.rices. Pourquoi?

Le tourisme de masse dérange les animaux de la faune, affecte leurs comportements naturels et dégrade leurs habitats.

La rareté des espaces naturels et la brièveté des moments propices selon les types d’observation entraînent une importante affluence des observateurs.rices, ce qui donne lieu à des situations d’engorgement et d’entassement dans plusieurs secteurs et nuit à l’expérience d’observation.
Conséquences : de plus en plus d’amateurs vont pratiquer leurs loisirs dans les provinces canadiennes et les pays où les activités d’observation fauniques sont reconnues, promues et surtout, d’une qualité supérieure raison de leur potentiel de succès élevé. Le Québec perd ainsi d’importantes retombées économiques et sa réputation de destination de choix pour l’observation de la nature.
Mésengeai du Canada
©Hugues Deglaire

La rareté des aires protégées

2
Au Québec, 16,7 % du territoire terrestre est protégé. Cependant, il s’agit surtout d’une protection contre les activités industrielles. Dans les faits, moins de 5% du territoire terrestre québécois est protégé contre la chasse et le piégeage. Les aires protégées se trouvent principalement dans le Nord de la province. Au Sud, les superficies protégées sont rares, malgré leur importance décisive pour la biodiversité et leur proximité géographique de la majorité de la population, et donc des personnes ayant à cœur l’observation. Qu’en est-il des parcs nationaux? Plusieurs facteurs affectent l’intégrité des parcs nationaux. Au fil des années, les adeptes d’observation y voient leurs expériences se détériorer. Pourquoi?
Ils sont trop petits, pas assez nombreux et ne répondent pas à la demande.
Leur grande popularité les transforme graduellement en terrains de jeu consacrés aux sports de plein air, au détriment de leur mandat de protection.
Le tourisme de masse, l’artificialisation des écosystèmes due à la « gestion faunique » et, dans certains cas, les campagnes de contrôle des prédateurs causent leur dégradation.

Tous ces facteurs affectent celles et ceux qui veulent observer la faune et avoir un contact intime avec celle-ci.

Qu’en est-il des réserves fauniques et des territoires publics?

Les réserves fauniques, les zones d’exploitation contrôlée (ZEC) et les  territoires publics n’offrent pas un cadre propice aux activités d’observation.

Pourquoi?

L’État y impose un modèle d’exploitation unique qui priorise les activités de chasse et de piégeage.
Les prédateurs sont victimes de ce modèle d’exploitation, qui réserve les espèces proies pour les adeptes de la chasse.
Ce modèle d’exploitation nuit souvent aux dynamiques entre les espèces ainsi qu’à l’équilibre du milieu.
Ces conditions font obstacle au développement d’activités d’observation faunique de qualité.
Carte des aires protégées du Quebec

Le bien-être des animaux de la faune

3
Le mode de « gestion faunique » du ministère soulève d’importants enjeux pour les animaux de la faune. Pourquoi?
Le ministère assujettit les animaux de la faune à de simples « ressources fauniques », évacuant ainsi le statut d’êtres sentients que leur a accordé, en 2015, le législateur québécois avec l’article 898.1 du Code civil du Québec.
Le mode de gestion du ministère cause un déclin des populations de certains animaux de la faune, dont les espèces prédatrices.
D’autres espèces animales sont en surpopulation, soit parce que leurs prédateurs sont activement chassés, piégés ou disparus à cause de ces activités, soit parce que d’autres changements anthropiques sont favorables à leur prolifération.
Le tourisme de masse qui survient dans certains secteurs dérange les animaux de la faune, affecte leurs comportements naturels et dégrade leurs habitats. Il peut même créer une familiarisation, entraînant des conflits entre êtres animaux et humains.
Or, la sentience et la liberté des animaux sont au cœur des activités d’observation. La personne observatrice développe souvent une relation émotionnelle avec un animal de la faune qu’elle a le privilège d’admirer. Pour elle, chaque individu observé est un être unique doté d’une personnalité, d’un tempérament et d’une histoire qui lui confèrent toute son individualité. Avec l’observation, il est un être fascinant à observer, à photographier et à côtoyer. L’observation permet la rencontre entre l’être humain et l’être animal. Elle constitue une expérience profonde et addictive puisqu’elle fait écho à la biophilie : l’amour de tout ce qui est vivant.
Loup
© Julie & Eric Wildlife & Nature

Le bien-être des êtres humains

4
L’augmentation des publications scientifiques sur les bienfaits de la nature témoigne bien de sa grande importance en termes de bien-être physiologique et psychologique pour les êtres humains. Dans le même sens, leur séparation d’avec la nature se trouverait derrière plusieurs maux physiques, psychologiques et émotionnels dans la société moderne. L’observation de la faune est non seulement une activité récréative et scientifique, mais aussi une activité thérapeutique. L’appréciation et l’admiration des animaux de la faune dans leur habitat naturel et les rapports harmonieux et réciproques qui en émanent peuvent profiter à toute personne. Les bénéfices que procure une approche telle que la zoothérapie ne sont plus à démontrer. Que dire, alors, d’une rencontre privilégiée avec un animal libre et non domestiqué qui choisit de nous gratifier de sa présence? L’observation de la faune est une activité bénéficiant à toutes les personnes et à toutes générations; l’occasion de (re)connecter avec les autres êtres vivants et la nature.